top of page

   Joseph JUILLIARD
         (1866-1945)


     Lorsqu'il abandonne sa charge d'avoué au Tribunal civil de la Seine, en 1924,pour des raisons de santé, Joseph Juilliard avait déjà beaucoup regardé de peintures. Dès son jeune âge il avait pratiqué le dessin et l'aquarelle. Il avait certainement décidé, à sa retraite, de satisfaire des goûts trop longtemps contenus car, sitôt son étude cédée, il prend assidûment des leçons de dessin puis fréquente différents ateliers, ceux de E. M. Many Benner, d'Edmond Suau place Pigalle depuis janvier 1926 (1), et peut-être aussi d'Ivan Cerf, 60 boulevard de Clichy, selon la légende familiale (2).


      Joseph Juilliard semble avoir pratiqué d'abord une peinture assez conventionnelle et timide, sans grand éclat, marquée plutôt par une certaine recherche d'effet poétique vaporeux où dominent les verdures brunâtres ou violacées du bois de Vincennes qui était tout proche de sa résidence d'été de Fontenay-sous-bois. La matière est pauvre et le dessin sans grande vigueur. Sa recherche parait être alors plutôt une recherche d’atmosphère. Seul, parfois, l'usage du couteau empâtant les frondaisons sur les bords d’un lac ou d'un canal laisse transparaître le désir d'une expression plus forte, une certaine fougue encore un peu contrainte. Mais il en est peu d'exemples.
       Ces premiers essais s'échelonnent jusqu'en 1933(3). Malgré un net affermissement de sa personnalité perceptible dans la composition et le développement du sens de la couleur, le dessin, s'il se précise, reste encore sans grande force. La touche reste mince et sèche, sans grand élan. Les paysages abordés alors, vues de montagnes savoyardes pour l'essentiel, présentent des chalets rustiques ou des hameaux d'un style passablement conventionnel (4). Quelques esquisses visiblement inachevées où la neige des glaciers s'affirme avec plus de force semblent s'aventurer un peu plus sur le chemin de la couleur que l'artiste devait emprunter un peu plus tard (5). Quelques autres paysages commencent à s'inscrire plus nettement dans cette voie et, bien sûr, les bouquets de fleurs s'y sont rangés tout de suite le plus naturellement (6). En définitive, ce sont les natures-mortes de ces années 1927-1929 qui semblent le mieux maîtrisées, sans doute en raison du temps consacré à leur élaboration, ce que la peinture de paysage pratiquée en plein air ne permettait pas au même degré. Mais ces natures-mortes, souvent d'une belle pâte restent encore de composition très académique. Les tonalités s'y montrent toutefois progressivement plus vives (7). Au contraire, en 1932 encore, les paysages montagneux de Haute-Luce se cantonnent toujours principalement dans un registre de teintes froides vertes, bleues et brunes assez pauvres (8).

X

X       X

 

      Une véritable libération de la couleur, jointe à un certain envol de la touche, survient d'un coup, aux alentours de 1932-1933. D'abord la touche se libère. On l'aperçoit ouvertement dans deux petites esquisses de paysage de Chatel-Guyon (9). Puis la couleur se met soudain à chanter, l'été 1933, dans l'environnement méridional de Montlouis (10).
       Où chercher l'origine de cette brusque mutation ? Peut-être dans la rencontre de l'Atelier de Montmartre(11) et de l'un de ses correcteurs ,le peintre Jean de Botton(12) avec lequel  J. Juilliard devait nouer une amitié durable et sans doute féconde (13); sans doute aussi dans la découverte du midi, alors que jusque-là les paysages abordés étaient surtout des vues de montagnes savoyardes, aux tons trop froids dont, par la suite, il se plaindra souvent dans maintes confidences à ses amis (14).
        Il y a là ,à l'évidence, une rupture considérable, et du point de vue de la composition et du point de vue de la couleur ,entre les paysages de Haute-Luce de 1932 et tous ceux qui suivirent. En effet, c'est en Cerdagne, à Montlouis, qu'en 1933 Joseph Juilliard découvrit véritablement la lumière et l'intensité de la couleur ! Ces paysages ci, d'un format déjà plus ample, manifestent une étonnante évolution. Les orangés et les roses envahissent le spectacle de la nature (15). La touche reste encore un peu molle mais elle est beaucoup plus large qu'auparavant, plus animée sinon dotée encore d'une force suffisamment concentrée. En tout cas, elle se libère pleinement du caractère par trop appliqué, un peu étriqué, qui avait été souvent le sien jusque-là.


X

X     X


         1934 marque un nouveau pas en avant, ouvre une étape nouvelle qui sera tout de suite celle de la pleine maturité. La consistance encore un peu molle de la touche fait place ici à une véritable maîtrise qui, du coup, va lui faire jouer un rôle croissant dans l'architecture même du tableau (16). L'influence de Cézanne est manifeste (17) dont porte justement témoignage une copie faite à la même époque (18).
          À partir de cette époque les architectures seront accentuées, les arêtes rocheuses mieux marquées, les plans mieux affirmés. Surtout les masses d'arbres. le volume de leurs feuillages seront plus fortement soulignés: ainsi mieux découpés par la lumière, ils prendront une densité qui accentuera la force du tableau. Pareillement, le jeu maintenant très visible des touches de pinceau parallèles, souvent très volontairement orientées dans un même sens, confère au paysage un mouvement d'ensemble qui semble bien traduire non plus la simple admiration du motif propre au peintre amateur mais l'enthousiasme et la réflexion constructive de l'artiste authentique. De ce point de vue la grande "Vue du Bargy" m'apparaît comme tout à fait révélatrice et l'une de ses meilleures toiles (19). Il est bien malheureux qu'il n'ait pu revenir suffisamment sur ce motif (qui eût pu être sa "Sainte Victoire") (20) et que les inquiétudes montantes de la guerre, jointes à des problèmes de santé, ne lui aient plus laissé que quatre ans pour accéder à la plénitude de son talent.

 

 Durant ces quatre années-là, cruciales, (paysages de Mont-Saxonnex en 1934, de Montmin et de Rennes les Bains en 1935, de Murols en 1936, de Thollon en 1937) on assiste à la conquête, aussi manifeste dans les toiles achevées que dans celles laissées à l'état d'esquisses, d'une maîtrise évidente qui permet à l'artiste de libérer toujours plus amplement le lyrisme qui l'habite en profondeur. Plus exactement on décèle assez vite dans toutes ces toiles un mélange dynamique et parfois conflictuel d'admiration tout à fait réaliste de la nature et de désir de l'idéaliser, de la débarrasser de ses éléments les plus banals, que son vieux fond, peut-être paysan (21) d'attachement à la vérité des choses menaçait parfois d'étouffer par les scrupules d'un réalisme trop étroit. La transposition lyrique du réel, sa sublimation dans le respect de sa vérité, loin des artifices excessifs de toute école, ont toujours été pour lui le grand problème (22) ! On peut noter les traces de ce conflit entre réalisme et idéalisation dans deux tableaux de Murols dans lesquels tantôt l'importance excessive d'un tournant de route au premier plan, tantôt le modernisme batard d'un hôtel 1900, introduisent un élément de prosaïsme regrettable qui compromet un peu la poésie du paysage environnant (23).             Certaines natures-mortes de la même époque  où un peu antérieures souffrent du même défaut : un trop grand souci d'exactitude accordé à une tasse ou à un pichet  quelconque altère  quelque peu le charme du bouquet qui les accompagne (24) !              Il n'empêche, malgré ces hésitations, ces doutes, ces incertitudes, les couleurs chantent à l'envi, les rouges et les verts sombres, les bleus des ciels et des ombres et les orangés, les violets et les verts tendres, dans le droit fil d'une palette "fauve" devenue maintenant évidente, mais sans jamais que l'harmonie soit ni rompue ni forcée ( à l'exception peut- être  d'une seule et très curieuse " Vue sur le lac", de Thollon, qui parait d'une audace un peu brutale ! (25) On sent dans toutes ces toiles une évidente joie de vivre, un chant d'allégresse, un amour profondément "humaniste " de la nature, c'est à dire dont le lyrisme reste toujours soumis au contrôle de la raison. La sensualité assez vaguement et superficiellement panthéiste qui anime de manière un peu trop simpliste tant de peintres de second rang et qui se manifeste le plus souvent, à travers le coup de pinceau "artiste", par une sorte de vitalité un peu molle voire relâchée, - cette sensualité mal contrôlée, un peu lâchée, de la touche qui affecte, par exemple, certaines toiles de son contemporain Camoin - cette sensualité par ailleurs si nécessaire à l'élan initial du peintre, est toujours, chez J. Juilliard, solidement tenue en bride , ce qui peut rendre sa vision parfois un peu sèche mais, le plus souvent, lui assure une tenue, une solidité qui peut aller jusqu'à une réelle grandeur.          Ainsi le culte de la couleur ne dissout jamais l'importance de la forme ; c'est ici que le souci "réaliste" de l'artiste qui lui est à la fois si cher et si incommode se manifeste le plus nettement en maintenant toujours cette forme dans le cadre de la vision commune. C'est sans doute ce classicisme un peu traditionnel de sa vision joint à une certaine retenue encore dans l'exaltation de la couleur qui confère à certains paysages de Mont-Saxonnex leur belle autorité. Puis, avec les toiles de Murols, en 1936 durant un mois d'août de beau temps constant, d'enchantement total semble-t-il, ce fut la fête de la couleur (26) ! Et celle-ci devait durer !

         Curieusement, cet éclaircissement de la palette, cette joie de la couleur, se manifestent plus spécifiquement, dès avant 1936, dans quelques natures-mortes qui doivent dater de 1935 ou du début 1936 (bouquets de fleurs et objets divers) et qu'en raison de l'amincissement de la pâte, de la légèreté de la touche et de l'éclat coloré, on aurait pu croire postérieures. L'influence de J. de Botton est ici certaine (26 bis).

 

En 1937-1938, nouvelle étape, due peut-être en partie à certaine influence de Matisse que J. Juilliard dût apprendre à mieux connaître par l'intermédiaire du peintre Jean Puy (27) - la copie de "L'atelier au paravent" semble en être un indice (28). En effet Jean Puy qui était un ami de longue date de Matisse devait devenir, avec son ami Camoin, au moins en 1938, correcteur à l'Académie Montmartre que J. Juilliard fréquentait avec assiduité depuis 1933 ou 1934 (29). Une vive amitié s'établit presque aussitôt entre le nouveau maître et son disciple très attentif. Il dût résulter de cette fréquentation soutenue maintes discussions sur la peinture de l'époque (30), sur l'évolution du "fauvisme", sur le lyrisme de la couleur et le rôle de la forme ; très certainement aussi sur l'orientation de Matisse vers un style de plus en plus décoratif et stylisé, à l'inverse précisément de l'option de Jean Puy et de Camoin qui restent davantage fidèles à la perception commune, à une figuration plus immédiatement réaliste, et qui mettent même alors une légère sourdine à leurs emportements de jeunesse. Joseph Juilliard retrouvait là le problème de l'idéalisation de la nature sans perdre pour autant ce contact avec la vision commune qui ne cessait de l'obséder (31). Ou bien encore, l'influence combinée de Jean de Botton, correcteur antérieur à l'Académie Montmartre, que J. Juilliard appréciait beaucoup (32) et d'André Lhote, dont il connaissait aussi bien l'œuvre légèrement cubiste que les ouvrages théoriques (33), joua- t-elle son rôle dans un sens assez voisin de celle de Matisse d'épuration de la sensation initiale et de stylisation formelle de la ligne comme de la couleur. Toujours est-il que dans certains de ses paysages de Thollon, pas toujours parfaitement datés de 1937-1938, et dans certaines nature-mortes sans doute de la même époque, un "nu" également, J. Juilliard manifeste une tendance progressive à un certain formalisme, à une certaine stylisation simplificatrice, procédant maintenant par "à plats" sans épaisseur, nettement découpés, diminuant du même coup l'importance auparavant si sensible  de la touche sensuelle, adoptant ainsi une vision à la fois plus synthétique et plus purement décorative, pour ne pas dire légèrement éthérée ! (34). Une nouvelle aventure se profilait (35)… On la pressent également dans deux petites toiles d'Entrechaux (Vaucluse) de l'été 1938 (36).


X

X     X


        Mais l'âge était là. Le peintre a 72 ans. Et dès l'automne la guerre menace. En 1939, J. Juilliard qui aura toujours été de santé fragile et que l’anxiété ronge, ne fit que quelques toiles : en particulier deux petits tableaux de format semblable des environs de La Louvesc en juillet (37).

Néanmoins il avait eu la grande joie de voir une de ses toiles exposées au Salon des Artistes français (auquel il participait depuis au moins 1928) un "Nu au canapé rouge", remarquée par le critique d'art Raymond Escholier (38). Celui-ci lui consacre des lignes particulièrement élogieuses dans le "Journal" du 4 mars 1939 et en recommanda l'achat à la ville de Paris (39). Ce qui eût lieu et lui attira les compliments de ses amis peintres Jean de Botton et Jean Puy ainsi que de ses camarades de l'Académie Montmartre (40). Voici le texte de R. Escholier : "On doit sans doute à un débutant, Joseph Juilliard, le plus beau nu de ce salon. Pour la finesse du ton, l'harmonie des accords de rouge, de cinabre et de rose éteint, son "Canapé rouge" (galerie) où repose nous tournant le dos une belle endormie, est à mettre en regard des œuvres de Brianchon et de Legueult. Il y a là "quelqu'un". Quel brevet de jeunesse, ce "débutant" !

       Vinrent la guerre et les épreuves de ces tristes années. Réfugié d'abord, pendant la drôle de guerre, à Tessé la Madeleine, avec sa femme, sa belle-fille et les deux petits garçons de celle-ci, ses deux fils étant au front, l'anxiété l'emporte sur l'envie de peindre. J. Juilliard essaie de retrouver la piste de J.de Botton alors mobilisé, écrit à J. Puy qui échange avec lui encouragements, conseils artistiques et jugements critiques sur son ami Matisse (41). En février 1940 il revient à Paris régler quelques affaires et récupérer du matériel de peinture à l'atelier Montmartre déserté. Un ami l'incite à reprendre le travail à l'atelier Frochot qui vient d'ouvrir (42). Mais J. Juilliard (qui profite néanmoins de son court séjour à Paris pour aller admirer deux toiles de son ami J. Puy au Salon des Indépendants), soucieux avant tout de sa famille dont il est alors le principal soutien ne pouvait évidemment pas reprendre un travail d'atelier et regagna rapidement Tessé la Madeleine avec toutefois une caisse de toiles vierges et de couleurs. Il y peignit alors quelques paysages de fin d'hiver et de premier printemps beaucoup plus assourdies qu'auparavant, effets de sa démoralisation ou de sa déception face à une nature encore trop peu éveillée (43).
       Puis ce furent la débâcle et l'exode vers le sud. Il se fixa avec sa famille à Vitrac, petit village situé sur la Dordogne non loin de la résidence d'été de cousins de sa femme. Il y peindra encore quelques toiles qui renoueront avec la couleur (le pont de Vitrac, une entrée de ferme, quelques paysages) qui furent donnés, après sa mort à différentes personnes du voisinage en témoignage de reconnaissance pour leur aide durant cette difficile période et dont la localisation est désormais inconnue (44). Faute de matériel ou de commodité, J. Juilliard a produit encore une vingtaine de gouaches ou d'aquarelles (paysages environnants, jouets d'enfant, intérieurs) à nouveau très vivement colorés qui semblent avoir été égarés par la suite. En 1942, victime d'une légère attaque cérébrale qui paralyse partiellement sa main droite, il cesse de peindre et s'éteint le 12 mai 1945.

       L'auteur de ces lignes, l'aîné de ces petits fils, âgé de 7 ans en 1941, se souvient très bien l'avoir vu peindre sur le motif à Vitrac, en plein champ, assis sur un tabouret pliant devant son chevalet portatif, la colline de Domme, de l'autre côté de la Dordogne, sur la trame d'un dessin tracé sur la toile à l'ocre rouge. Il avait eu le réconfort de rencontrer non loin de Vitrac le peintre Lucien de Malleville avec lequel, en ce temps de pénurie, il put échanger des couleurs et des fournitures nécessaires à leur travail. Après son décès, ma grand-mère fit parvenir à J. Puy tout le matériel de peinture qui lui restait. Jean Puy l'en remercia par l'envoi d'un de ses récents tableaux, des "tulipes" au format allongé (45) et de la monographie que Paul Gay venait de lui consacrer aux éditions Braun, chaleureusement dédicacée (46).

NOTES


(1) En témoignent une pochade sur bois : rochers au bord de la mer, de Edm. Suau dédicacée" à madame Juilliard, respectueux hommage" et diverses mentions de frais de leçons d'atelier figurant sur des carnets de comptes des années 1926 à 1929. Edm. Suau transmet à J. Juilliard la réponse datée du 19 avril 1926 d'un de ses confrères à une demande qu'il avait dû lui faire en vue de permettre à son élève de rencontrer des peintres paysagistes proches de sa résidence secondaire de Fontenay-sous-Bois.

(2)     De ce peintre il semble avoir détenu une " vue de Sisteron" donnée ensuite à son fils Jacques Juilliard, mon père.

(3) Cette année-là, il peint à Montlouis (P.O.) des paysages très colorés. Mais dès 1927, il avait été admis à différents salons parisiens. Sa participation au Salon des Artistes français est certaine pour les années 1928 à 1939 (cf. les catalogues de ces années). Elle est notée dans son agenda 1936 (hélas ! seul retrouvé) à la date du 25 janvier, pour le Salon des Indépendants ("dépôt Indépendants" avec "vernissage des Indépendants" le 7 février, et "Indépendants, déplacement de mon tableau" le 12 février, puis " retrait des Indépendants" le 9 mars). Mais il a payé sa cotisation aux Indépendants de 1931 à1934 et la paiera en janvier 1939 (d'après ses carnets de comptes). En 1936 il a participé également au Salon d'Automne ("dépôt au Salon d'Automne" le12 septembre, "vernissage Salon d'Automne" le 9 octobre). Il a participé aussi au Salon du Palais de Justice en 1928 (carnet de comptes : 3 mai 1928).

(4) fig. 5, 6, 7, 13, 15.


(5) fig. 23, 24, 25.

(6) fig. 10, 11.

(7) fig. 17, 18, 19.

(8) fig. 33, 34, 35, 36.

(9) fig.29,30 datées de 1931, visiblement inachevées, donc antérieures, à moins d'erreur, aux toiles de Haute- Luce souvent moins enlevées de 1932.

(10) fig.44-52.

(11) On trouvera en Annexe quelques détails sur cette Académie située 104 bd de Clichy ainsi que des extraits de la correspondance échangée entre J. Juilliard et certains de ses condisciples qui révèlent l'heureuse atmosphère de travail et d'amitié qui y régnait. Jean de Botton puis Jean Puy et son ami Charles Camoin y exercèrent la fonction de correcteur en 1938-1939.

(12) Jean de Botton (1898-1978). Peintre de nationalité française, né à Salonique. Nommé peintre officiel du couronnement du roi Georges VI d'Angleterre, il fit surtout carrière dans ce pays, puis aux États-Unis. Entre les années 1936 et 1939, peut- être dès avant, il enseigne à l'Académie Montmartre tenue par mademoiselle Franquelin. (cf. Frank Elgar, Jean de Botton,  ed. Georges Fall.)

(13)


(14)

(15) Il semble même que l'artiste ait déployé sous certains de ses paysages une sous- couche orange.

(16) Paysages de Mont-Saxonnex, fig.60-65.

(17) fig.56,57,60,72.

(18) fig.54. Cf. Sa fréquentation assidue des ouvrages de G. Rivière (ed. Flory, 1933) et de R. Huyghe (éd. Plon, 1936) sur ce peintre, souvent annotés dans les marges

(19) fig.62

(20) Il en subsiste juste une seconde version plus petite, fig.63.

(21) De mauvaises langues diraient " bourgeois" !

(22) Dans sa correspondance ultérieure avec le peintre J. Puy on perçoit très bien ce conflit entre les pesanteurs de l'observation réaliste de départ et l'aspiration à une vision épurée, porteuse de valeurs générales d'harmonie et d'universalité. Cette quête d'une stylisation émancipatrice des petitesses de l'anecdote et du simple pittoresque s'exprime très visiblement à travers ses plaintes répétées touchant son "manque d'imagination".

(23) fig.81,119.

(24) fig.161,164; non datées, ces toiles peuvent remonter aux années 1931-1933.

(25) fig.128.

(26) Une quinzaine de toiles. Ce petit village d'Auvergne, non loin du lac Chambon, oû s'était constituée sous l'égide de son curé, l'abbé Boudal, une petite école de peintres lui avait sans doute été recommandé par le peintre Victor Charreton, ancien avoué comme lui, qui vivait dans cette région et avec lequel il était en relation (de quelle sorte, depuis quand ?). Son agenda de 1936 (seul retrouvé) porte à la date du 24 mars "tel Charreton admis Salon" et déjà le 12 du même mois "2 h 1/2 Charreton". Voir : N. Chabrol, L'école de Murol, 2001). L'auteur de ces lignes a eu le grand plaisir de voir acceptées par le musée de l'École de Murol sis dans ce village 15 toiles de cet ensemble. L'une d'entre elles a figuré à l'exposition de l'été 2015 consacrée aux "Points de vue sur un lac" et est reproduite dans le catalogue p.42, fig. 85.

(26 bis) La découverte récente d'une étiquette d'exposition datée 1936 apposée sur un de ces tableaux, des "tulipes" (fig.165 bis), corrige l'erreur que l'auteur de ces lignes avait d'abord faite en attribuant ce type de natures-mortes aux années 1937-1938. Certaines sont donc de 1936 ou déjà de 1935 (exposées en1936). Elles sont d'ailleurs assez différentes de natures-mortes immédiatement antérieures qui doivent dater des années 1933-1934 et qui sont caractérisées par une pâte plus épaisse et des couleurs moins vives (fig. 163, 164) et une certaine influence cézanienne (fig. 162) A l'inverse les fig.167 et 168 paraissent plus récentes en raison du traitement plus enlevé de certains motifs décoratifs secondaires (tissus, nappes ou papier peint mural). Et c'est encore plus net (1938 ?) pour la fig. 169 qui présente une parenté évidente de stylisation formelle avec le nu (fig.173). Toutes ces dernières natures-mortes, depuis 1935, sont assez proches, surtout dans le traitement des fleurs, de tableaux de J. de Botton peints entre 1934 et 1940 et encore ultérieurement !


(27) Jean Puy (1876-1960), peintre de l'école "Fauves". J. Juilliard l'avait rencontré dès 1936 : visites réciproques à Paris, 22 rue Chauchat, chez J. Juilliard le 7 octobre 1936 puis le 3 novembre chez J. Puy. Il avait dans sa bibliothèque la petite monographie rédigée par M. Puy, son frère, et publiée par les éd. de la N.R.F dans la collection "Peintres français nouveaux" numéro 4,en 1920.

(28) fig. 97. J. Juilliard avait dans sa bibliothèque l'ouvrage de R. Escholier consacré à Matisse (éd. Flory, 1937).

(29) depuis 1934 très certainement, date de la première lettre que lui adresse J.de Botton avec une allusion à l'Académie Montmartre.

(30) Un témoignage de cette émulation artistique nous est fourni par un exemplaire dûment annoté par J. Juilliard du catalogue de l'exposition "Les maîtres de l'art indépendant 1895-1937" de 1937 au Petit-Palais, à Paris. J. Juilliard y a marqué d'une croix les toiles qu'il a particulièrement appréciées : 6 de Modigliani, 5 de Bonnard, 4 d'O. Friesz et de Matisse,3 de Marquet et de Vuillard, 1 de Derain, La Fresnaye, Loutreuil, Marval, Puy et Rouault. Curieusement aucune notation favorable pour Camoin et Manguin dont certains tableaux pourraient paraître assez proches des siens. Non plus pour A. Lhote qui l'avait déjà certainement intéressé et dont l'influence, légère, sera peut-être perceptible par la suite.

(31) La note suivante griffonnée à la va vite sur la dernière page de son agenda 1936, particulièrement émouvante, en fait foi : "Je vois un paysage. En lui-même tel qu'il est, il me laisse froid mais, à l'aide de quelques-uns des éléments qui le composent, je me crée un paysage idéal, de fraîcheur, de recueillement ou de drame qui est mi-esprit, mi-réalité. C'est ce paysage que je vais faire !

 

(32) Il lui achètera une "vue de Venise " le 27 janvier 1938.

(33) Il avait déjà suivi une conférence d'A. Lhote le 14 décembre 1936 et avait son traité de peinture dans sa bibliothèque.

(34) Paysages de Thollon, fig 129, 133. Natures-mortes, fig.166, 167, 168, 169. Nu, fig.173.

(35) L'esquisse d'un panier de fruits dont la mise en page semble évoquer Bonnard (fig.170), mais dont le traitement aurait été certainement moins "tachiste" en est peut-être un indice. Davantage encore, et dans une autre direction. Un "nu" très stylisé (fig.173), quelques natures-mortes et même auparavant quelques paysages de Thollon, on décèle l'influence d'un cubisme très atténué, issu peut-être d'A. Lhote et de J. de Botton (fig.129 à 132).

(36) fig. 138, 139.

(37) fig. 140, 141 ainsi qu'une "vue" inachevée prise de son hôtel (fig.142).

(38) fig.177

(39) Société des Artistes Francais, le Salon 1939, numéro 1577 du catalogue. Les "nus" de J. Juilliard, peu nombreux, sont essentiellement des études d'atelier qui semblent souvent inachevées. Quelques exceptions: le" nu au canapé rouge" remarqué par R. Escholier, un "nu allongé sur le dos" (fig. 171) assez réaliste, probablement des années 1933-1935 (à raison de l'épaisseur de la pâte et de la proximité de style d'une nature-morte sans doute de ces mêmes années  qui se trouvait également dans l 'appartement de mes parents (fig.165), enfin un petit "nu" beaucoup plus stylisé  allongé apparemment sur le sol au milieu d'un décor d'étoffes variées (fig.173) sans doute de1938 ou 1939,car proche stylistiquement d'une "Figure" exposée au Salon de 1939 (fig.176).

(40) voir, en  Annexe 1: l'Académie Montmartre, les lettres de J. de Botton (mars 1939), de mademoiselle Franquelin du 3 décembre 1939, de madame Le Tellier du 30 novembre 1939 et de Jean Puy du 1 février 1940.

(41)  Voir Annexe II: correspondance J. Juilliard - J. Puy.

(42) Voir Annexe I.

(43) Fig.143 à 153. Une semblable déception figurait déjà dans une lettre de La Louvesc, l'année précédente, adressée à une de ses amies de l'Académie.

(44) J. Juilliard semble n'avoir signé que les toiles qu'il donnait aux membres de sa famille ou à de proches amis en plus de celles qu'il a exposées aux divers salons auxquels il a participé. En dehors de celui qu'acheta la Ville de Paris, il semble n'avoir vendu qu'un seul tableau, à un anglais selon la légende familiale, pour lequel il acheta un cadre de format 30 le 13 mars 1936. Ce format semblerait plutôt concerner une nature-morte qu'un paysage ? Ce tableau, exposé sans doute au Salon des Artistes Francais de 1936 lui fut acheté en 1937 (mention du carnet de comptes au 13 mars 1936).

(45) Ce tableau est répertorié avec photographie en noir et blanc dans le Catalogue général de l'œuvre de Jean Puy, tome II, éd. Les amis de J. Puy, Roanne,2000, à l'année 1941, p.308 sous le numéro d'ordre 40234. Il est intitulé "Tulipes sans vase".

(46) et non Franklin comme il est  transcrit dans " Jean Puy, Roanne,2000, tome I, p.109.

(47) Cf. l'article " Fête chez les Barbares" dans le journal Candide  du 23 novembre 1933 ( Annexe III).

(48) Cf. Jean Puy, éd.cit., tome I, p. 108.

(49) Cf. S. Gainsbourg, Voyage de première, entretiens avec Franck Maubert, La Table Ronde.

(50) Signature d'une lettre collective adressée à J. Juilliard à l'initiative de J, de Botton par un groupe de ses condisciples en excursion picturale à Saulx les Chartreux , le 25 juillet 1937.

(51) Fig. X.

 

 

 

 Annexe I.

                                              L'Académie Montmartre

       L'Académie Montmartre que Joseph Juilliard fréquenta avec assiduité et bonheur de 1934 à 1939 était située 104 boulevard de Clichy à Paris et semble avoir été dirigée par mademoiselle Franquelin (46). Le peintre Jean de Botton y corrigeait les travaux des participants depuis au moins 1934 - il cessera en 1937 en raison de sa nomination comme peintre officiel du couronnement du nouveau roi d'Angleterre Georges VI - et J. Juilliard, bien que nettement plus âgé, lia avec lui une amitié chaleureuse dont témoignent aussi bien les fragments de lettre qui vont suivre que de nombreuses mentions de rendez-vous, de visites d'expositions communes, de dîners chez l'un ou chez l'autre dont malheureusement n'ont subsisté que celles portées sur son agenda de 1936 ,seul retrouvé.
       L'Académie organisait, semble-t-il, aux beaux jours du printemps et du début de l'été, des sorties de peinture en plein air (en 1935,1936 et 1937 à Saulx les Chartreux ainsi qu'un bal de fin d'année(47).
       En 1938-1939,deux années durant, Jean Puy devint correcteur à l'Académie avec son ami Charles Camoin. En 1940, Jean Puy recommande à son cousin mademoiselle Franquelin, réfugiée alors à Toulon : " cette aimable et sympathique jeune femme......directrice de l'Académie de Montmartre où j'allais parfois faire des études. Un jour elle vint me proposer de corriger à cette Académie, ce qui était beaucoup d'honneur ; du moins je l'ai senti comme cela. Et nous avons corrigé, Camoin et moi, pendant près de deux ans pour l'honneur car l'Académie était loin de couvrir ses frais, mais dans une atmosphère de sympathie et de cordialité qui était bien appréciable. Nous venions, nous aussi, pour travailler là et ce n'était peut-être pas une trouvaille au point de vue de la majesté du professeur et de sa supériorité en art que le voir travailler et barboter à côté de ses élèves. Cependant cela aurait peut-être donné des résultats à la longue au point de vue d'une sainte doctrine antipicassiste, partiellement matissiste, anticubiste.... (48)
       Serge Gainsbourg évoque son passage à cette Académie à l'époque de J. Puy et de Camoin (49) et peut-être le sculpteur César la fréquenta-t-il aussi (50).
       Après J. Puy et son ami Camoin, Francois Fosca, peintre lui-même à ses débuts, puis critique d'art, assura un moment la fonction de correcteur. Parmi les membres de cette Académie (dont on a conservé une photographie) Joseph Juilliard était particulièrement lié avec madame Le Tellier, mademoiselle Froumette Suad Davaz, fille de l'ambassadeur de Turquie en France, monsieur Auffray, monsieur Benner, madame Doré, madame Schlechting, monsieur Henri Therme. Parmi les signataires de l'amicale lettre collective mentionnée plus haut on déchiffre les noms suivants: S.Le Brun, L.Majorelle, S.Maubert, Tonnay (?). Enfin, notons qu'au Salon des artistes français de 1939 exposaient à ses côtés Georges Arnal, autre condisciple (numéros 58 et 59 du catalogue) et Maurice Gayral (numéro 1262 et 1263) qui a laissé de lui une toile qu'il lui a offerte le représentant au travail devant le modèle vivant, sans doute pour l'avoir très amicalement côtoyé dans cette même Académie (51)
       L'Académie ferma ses portes en 1939 au moment de la déclaration de guerre.

CONTACTEZ-NOUS :

Tél; 06XXXXXXX

130 AVENUE DE SUFFREN

75015

PARIS

©2018 JEAN FRANCOIS JUILLIARD PEINTRE. Créé avec Wix.com

CONTACT

Merci ! Message envoyé.

bottom of page